Thursday, May 24, 2007

CHINE - AFRIQUE

CHINE-AFRIQUE : POUR UNE COOPERATION VERITABLEMENT « GAGNANT-GAGNANT »

Par Mathieu Ndomba Ngoma


0.- Introduction

C’est comme une lune de miel entre l’Afrique et la Chine : les dollars pleuvent, les investissements des entreprises chinoises en Afrique connaissent un boom extraordinaire et le commerce entre la Chine et l’Afrique pourrait atteindre 100 milliards dollars d’ici 2010. La Chine dépasse désormais les donateurs traditionnels de l’Afrique au point de se demander si le salut de l’Afrique viendrait de la Chine. Les Chinois qualifient leur coopération avec l’Afrique de «gagnant-gagnant». C’est serait donc une coopération ayant des avantages mutuels spécifiques.

Cependant au delà de cette lune de miel et ces déclarations, la question est de savoir si la coopération sino-africaine est fondamentalement différente de celle que l’Afrique entretient avec l’Occident. La perspective est certes différente, mais les ingrédients semblent être les mêmes : prêts, investissements et annulation des dettes. Cette trilogie est fort louable, mais elle ne constitue pas en soi une coopération «gagnant-gagnant» pour l’Afrique. En tout cas elle ne l’a pas été dans la coopération entre l’Afrique et l’Occident. Il est question donc de formuler de manière claire les termes d’une coopération spécifiquement et véritablement « gagnant-gagnant » pour l’Afrique.


i.- L’expérience amère de la trilogie prêts, investissements et annulation de la dette

Selon la Conférence des Nations Unis pour le Développement et le Commerce, l’Afrique a reçu au titre de prêts plus de 540 milliards de dollars entre 1970 et 2002. Le moins que l’on puisse dire de cet endettement colossal c’est que l’Afrique n’y a rien gagné sinon l’augmentation de la pauvreté de ses populations. Elle a plutôt perdu sa souveraineté et son indépendance dans les politiques économiques, financières et sociales.

La politique de coopération que la Chine déclare «gagnant-gagnant», est aussi faite principalement de la même trilogie : prêts, investissements des entreprises chinoises et annulation des dettes. Officiellement la Chine à un engagement de 5 milliards de dollars de crédits et de prêts à accorder l’Afrique jusqu'en 2009. A cela s’ajoutent les 20 milliards de dollars de prêts et crédits que Eximbank, la banque chinoise d’import-export, s’apprêterait à investir en Afrique dans les trois prochaines années selon Donald Kaberuka, le président de la Banque Africaine de Développement.

La coopération chinoise est sans nul doute très bénéfique pour l’Afrique. L’ouverture par la Chine des lignes de crédits que les pays Africains n’auraient pas obtenues de leurs créanciers occidentaux habituels apparaît pour ces gouvernements comme une manne tombée du ciel. Cependant l’expérience amère de la trilogie prêts, investissements et annulation de la dette avec l’Occident suscite des questions et inquiétudes légitimes. En tout cas cette trilogie n’a pas constitué une coopération «gagnant-gagnant» entre l’Afrique et l’Occident. Elle a plutôt entraîné l’Afrique à un niveau d’endettement qui a causé des situations dramatiques et même tragiques à des millions des populations africaines. Certains ont même parlé d’une nouvelle forme d’esclavage où les pays africains ont été condamnés à sacrifier leurs budgets de développement, de la santé, de l’éducation, etc. afin de se plier aux exigences du service de la dette. Il est légitime de se demander si la coopération avec la Chine ne conduirait pas l’Afrique à la même impasse.

ii.- Pour que l’Afrique gagne dans sa coopération avec la Chine

Les chinois comme les Africains savent que quand on veut aider un pêcheur on ne lui donne pas du poisson ; on lui apprend plutôt à pêcher en lui donnant les instruments nécessaires pour pratiquer la pêche. Une coopération véritablement «gagnant-gagnant» pour l’Afrique devrait se baser sur ce principe. Pour que l’Afrique puisse véritablement gagner dans sa coopération avec la Chine, les investissements chinois doivent s’accompagner du transfert de la technologie pouvant permettre à l’Afrique de transformer ses ressources naturelles sur place.

Nombre de pays africains souffrent de ce qu’on appelle la malédiction des ressources naturelles. Plus de la moitie des populations des pays possédant d’énormes ressources naturelles en Afrique vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est le cas de l’Angola, de République Démocratique du Congo, du Congo-Brazzaville, etc. La plupart de ces pays pratiquent encore une économie basée sur la «chasse et la cueillette» des produits naturels sans impact majeur sur la création d’emplois et sans valeur ajoutée significative. Par exemple la différence entre le pourcentage de la contribution des industries pétrolières aux les budgets des Etats pétroliers africains et le pourcentage de leur contribution a la création des emplois dans ces mêmes pays est énorme. Pourtant dans une situation où la corruption est rampante, la disponibilité et les opportunités des emplois sûrs ont un apport essentiel pour sortir les populations de la pauvreté.

C’est l’appropriation de la technologie qui peut aider l’Afrique à transformer son secteur des ressources naturelles en un secteur pourvoyeur d’emplois et un secteur ayant des effets d’entraînement dans les économies locales. L’acquisition du savoir-faire dont les Africains ont besoin pour le développement passe par la création des institutions de la science et la technologie. La coopération avec la Chine ne deviendra «gagnant-gagnant» pour l’Afrique que quand les prêts et investissements permettront le transfert et la vulgarisation de la science et la technologie à travers des institutions spécialisées.


iii.- Conclusion

La Chine ne peut pas définir la spécificité de sa coopération avec l’Afrique en utilisant comme seuls critères ses prêts et les investissements de ses entreprises. Si la Chine veut parler d’une coopération «gagnant-gagnant», elle doit aller au delà des sentiers battus. C’est seulement une coopération qui donnera à l’Afrique des outils et instruments nécessaires pour un développement durable qui constituera une coopération «gagnant-gagnant». Et ces outils et instruments sont la science et la technologie.

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