Thursday, November 21, 2013

DEBAT SUR LA TOLERANCE :
Contribution numéro 2

Par Manuela

C'est avec beaucoup d'intérêt et de satisfaction que j'ai lu ce post. Je vous remercie pour ce partage. Je partage votre point de vue au sujet de la notion de tolérance comme fondamentale dans le processus de paix. 

De plus, la notion de tolérance est à l'ordre du jour à la lumière des faits de racisme qui défraient l'actualité et dont sont victimes les ministres Christiane Taubira et Cécile Kyenge. La montée du populisme et du racisme dans les pays européens est due principalement à la forte crise économique qui frappe ces États. Quand les gens ont faim, sont au chômage ou émargent au service social...., ils cherchent à tout prix un chien à abattre pour soulager leur frustration. Et dans ce cas précis, le bouc émissaire est souvent l'étranger, plus particulièrement le noir, puisqu'il dérange de par sa couleur de peau. Et à mon humble avis, ce climat de xénophobie persistera tant que la crise perdurera et que les partis d'extrême droite l'animeront. Ce problème devrait être traité en amont.

Je suis également d'accord avec vous quand vous dites que nous devons être "citoyen du monde". Le "citoyen du monde" connaît l'autre car se rapproche de l'autre, et parce qu'il côtoie l'autre il brise les barrières, les stéréotypes et les "vorurteile"( préjugés en allemand). Le "citoyen du monde" n'a pas forcément besoin de voyager ou de franchir les barrières au sens matériel du terme pour aller à la rencontre de l'autre, ce voyage doit se faire d'abord en lui, mais également autour de lui, par exemple dans sa commune, son village, sa ville, son canton...

Être tolérant à, cet effet, revient aussi à laisser l'autre s'exprimer, respecter son point de vue en évitant d'imposer le sien de manière dogmatique, catégorique et sectaire. Être tolérant c'est faire preuve d'ouverture d'esprit qui respecte la diversité tout simplement.

La notion de tolérance s'applique dès lors à de nombreux domaines:

·      la tolérance sociale: attitude d'une personne ou d'un groupe social devant ce qui est diffèrent de ses valeurs morales ou des normes.

·        la tolérance civile: écart entre les lois et leurs applications et impunités.

·      la tolérance selon John Locke "cesser de combattre ce qui ne peut changer "dans sa Lettre sur la tolérance.

·        la tolérance selon John Rawls qui pense que la tolérance est une vertu nécessaire à l'établissement d'une société juste. Mais il pose la question « Doit-on tolérer les intolérants ? ». Rawls y répond positivement, indiquant que de ne pas les tolérer serait intolérant et serait donc une injustice. Par contre il établit qu'une société tolérante a le droit, et le devoir, de se protéger et que ceci impose une limite à la tolérance : une société n'a aucune obligation de tolérer des actes ou des membres voués à son extermination.

·        la tolérance religieuse: attitude devant des confessions de foi différentes. Etc.
Votre post sur la tolérance m'interpelle et me touche énormément parce que je suis une amoureuse inconditionnelle de l'humain, c'est la raison pour laquelle je tenais à apporter ma modeste contribution.

je terminerais avec ces deux belles citations de Pauline V. et Albert M. :
·        « La tolérance est un exercice et une conquête sur soi. » — Albert Memmi, L’Exercice du bonheur, Paris, Ed. Arléa, 1994. (171 pages).
·        « L'esprit de tolérance est l'art d'être heureux en compagnie des autres». Pauline Vaillancourt-Allasia, Les Poings sur les « i », Roman,  Ed. Pierre Tisseyre, 1986. (229 pages).


Manuela 

Sunday, November 17, 2013

PRINCIPE DE TOLÉRANCE  SOCIO-CULTURELLE ET CONSTRUCTION DE LA PAIX DANS UN MONDE DE MIGRANTS, GLOBALISE, MULTICULTUREL ET/OU MULTICIVILISATIONNEL

Par Mathieu Ndomba Ngoma

Une lectrice de ce blog avait fait une remarque judicieuse sur la question de la tolérance après sa lecture de l’article sur la justice comme contenu de l’éthique de la paix. Je lui avais promis, en réponse, que je posterai quelque chose sur le lien entre la tolérance et la construction de la paix. Le thème de la tolérance est aussi à l’ordre du jour si l’on considère la manière dont les ministres Cécile Kyenge (en Italie) et ChristianeTaubira (en France) sont vilipendées à cause  de la couleur de leur peau et de leur origine africaine. En postant donc ce texte, j’invite tous les lecteurs et lectrices de ce blog à apporter leur contribution sur le thème de la construction de la paix dans notre monde de migrants,  globalisé, multiculturel, multicivilisationnel et en proie à de multiple formes de violence.

Comprendre la tolérance socio-culturelle

Le concept de tolérance est large. Elle a souvent été évoquée dans le cadre des rapports entre le pouvoir politique et le pouvoir spirituel. On peut se rappeler de la lettre de John Locke  sur la tolérance en 1689 et du traité de Voltaire sur la tolérance en 1763. En dehors de quelques pays où la liberté religieuse n’est pas reconnue, en général, elle est un acquis dans le monde moderne marqué par la démocratie.

Le défi actuel sur cette question porte surtout sur la tolérance sociale et culturelle. L’existence et la récurrence du racisme, du tribalisme, du régionalisme, du sexisme et de toutes les autres formes de discrimination sociale et culturelle non seulement démontre qu’il y a encore un long chemin à parcourir, mais aussi appelle à la mobilisation des personnes de bonne volonté qui croient à la possibilité d’un monde où les humains, malgré leurs différences, vivraient en harmonie dans un profond respect mutuel.

La tolérance sociale et culturelle est une condition de la paix et de l’harmonie dans ce monde de migrants, dans un monde globalisé où la coexistence s’impose à tous. En effet, comme l’a si bien défini l’UNESCO, la tolérance est
« le respect, l'acceptation et l'appréciation de la richesse et de la diversité des cultures de notre monde, de nos modes d'expression et de nos manières d'exprimer notre qualité d'êtres humains. Elle est encouragée par la connaissance, l'ouverture d'esprit, la communication et la liberté de pensée, de conscience et de croyance. La tolérance est l'harmonie dans la différence. Elle n'est pas seulement une obligation d'ordre éthique ; elle est également une nécessité politique et juridique. La tolérance est une vertu qui rend la paix possible et contribue à substituer une culture de la paix à la culture de la guerre »[1]

La reconnaissance de l’humanité de l’autre comme fondement de la tolérance socio-culturelle

Cette définition de la tolérance de l’UNESCO incite à rechercher ce qui permet ou favorise ce « respect », « cette acceptation » et cette « appréciation » des autres. Je crois profondément que tout part du  principe de reconnaissance mutuelle comme humains[2]. C’est quand chaque personne reconnaît en l’autre un semblable ayant les mêmes aspirations, le même désir de bien-être et de liberté, les mêmes droits fondamentaux, etc. qu’émerge et prend racine la valeur et le principe de la tolérance. En fait, c’est dans la reconnaissance de l’humanité de l’autre au-delà des contingences raciales, sociales, culturelles et religieuses et des identités particulières que s’enracine la vertu de la tolérance qui produit l’harmonie et la paix.

La reconnaissance mutuelle de l’humanité permet d’enraciner la tolérance parce qu’elle (la reconnaissance de l‘humanité) suppose un double impératif. Le premier impératif porte sur la prise de conscience du fait d’être devant un autre soi-même pour prendre l’expression de Paul Ricœur[3]. Si l’autre est un « autre soi-même », alors on peut établir une similarité et une dissimilarité. L’autre a les mêmes aspirations que moi. Mais il est autre et l’on doit être conscient de cette altérité pour faire place à l’écoute, à une attention bienveillante, à l’empathie et s’engager dans la dynamique et la dialectique du « donner et du recevoir ».

Le deuxième impératif est moral. Reconnaître l’autre comme un « autre soi-même » suscite des droits et des devoirs. Il s’agit du droit de la même reconnaissance par l’autre et le devoir de reconnaître l’humanité de l’autre. Le fondement de ces droits et devoirs, c’est la dignité humaine. Il est donc question du droit d’avoir sa dignité respectée par l’autre et de devoir de respecter la dignité de l’autre. Un tel respect de l’autre mettrait fin à l’impérialisme culturel et aux tendances et campagnes assimilationnistes et suprématistes.

Si une société tolérante est celle qui a bannit l’impérialisme culturel et les tendances et campagnes assimilationnistes et suprématistes, alors deux autres principes portent la tolérance. Il s’agit du multiculturalisme et du cosmopolitisme.

Tolérance socio-culturelle et multiculturalisme

La plupart des Etats sont multiculturels, multi-ethniques ou multicivilisationnels. L’on ne peut pas penser l’harmonie sociale sans l’acceptation mutuelle de la pluralité culturelle, civilisationnel et ethnique. En fait, « le multiculturalisme ambitionne en effet de promouvoir un mode d’intégration politique et sociale qui, sur bien des points, prend le contre-pied du modèle sur lequel se sont édifiés les Etats-nations »[4]. Il est « une conception de l’intégration établissant qu’il est en quelque sorte du devoir de l’Etat démocratique de reconnaître, d’une part, la multiplicité des groupes ethnoculturels qui composent de manière significative sa population, et de chercher, d’autre part, à accommoder dans la mesure du possible, sur la base de principes clairement identifiables, cette diversité culturelle. La conception multiculturaliste marque, par conséquent, le renoncement à un point de vue assimilationniste fort qui se fonde sur un principe de stricte indifférenciation dans la reconnaissance »[5].

Ainsi, le multiculturalisme décrit la reconnaissance de la validité de toutes les cultures ou de chaque culture dans la perspective du pluralisme culturel et civilisationnel des Etats modernes et du monde. Il décrit un modèle d’intégration dans une perspective de l’universalité plurielle. Il est l’opposé de l’assimilationnisme, de la hiérarchisation des cultures et des civilisations, de l’impérialisme culturel et civilisiationnel, de la colonisation culturelle, des missions civilisatrices, etc. Ainsi, le sentiment multiculturel enracine la tolérance envers les personnes appartenant à d’autres cultures.

Tolérance socio-culturelle et cosmopolitisme

La tolérance est aussi portée par le cosmopolitisme. L’idée du cosmopolitisme se rapporte au sentiment d’être citoyen du monde. Les humains ont en partage la citoyenneté du monde. En fait, tous les humains ont en commun le monde et ils sont tous citoyens du monde. En vertu de cette citoyenneté mondiale, tout humain jouit, potentiellement tout au moins, du droit d’être accueilli non pas comme ennemi mais comme hôte partout dans le monde. Dans sa perspective, Emmanuel Kant fait reposer le cosmopolitisme sur le droit à l’hospitalité. Comme citoyen du monde, tout humain a le droit d’être accueilli partout dans le monde. C’est sur cette base qu’il propose son projet de paix perpétuelle[6]. L’hospitalité de l’étranger qui consiste, selon lui, à transformer son statut de celui d’étranger ennemi hostile et belliqueux à celui d’un hôte à accueillir, devient fondamentale dans notre monde de migrants, globalisé, multiculturel et multicivilisationnel. Le sentiment cosmopolite enracine la tolérance envers l’étranger. Le voisin étranger est aussi chez lui quand il vit dans mon pays. Les frontières des Etats sont des inventions humaines. La terre elle a été donnée à tous les humains. Sur la planète terre, tout humain est chez lui partout où il est. C’est un vieil homme qui, l’autre jour, disait avoir visité plusieurs pays dans les années 50 et 60 sans avoir eu besoin de visas. Le visa, cette invention étrange, était inconnue aux citoyens du monde d’il y a à peine quelques décennies.

Conclusion

A la lectrice qui, par son message, m’a amené à poster ces mots, je dirai qu’effectivement, la tolérance fait partie de l’éthique de la paix. C’est en fait un aspect de la justice dans la mesure où au niveau fondamental la justice est tout d’abord cette reconnaissance de l’humanité de l’autre qui se trouve aussi au fondement de la tolérance. Ce qui est fondamentalement dû pour que justice se fasse c’est tout d’abord la reconnaissance de l’autre comme humain. Un monde tolérant est un monde un peu moins violent et un peu plus en paix, parce que le tolérant reconnait l’humanité de l’autre, sa dignité, ses droits et devoirs, sa culture et sa citoyenneté mondiale.




[1] UNESCO, Déclaration de principes sur la tolérance, Art. premier.
[2] Je développe davantage cet aspect dans un article à paraître : Mathieu Ndomba, « Relationalité sociale et exigences de justice pour l’émergence d’un ordre social juste », in Kanien, N°1 (2013), à paraître en décembre 2013.
[3]  Paul Ricœur, Soi-même comme un autre, Paris, Editions du Seuil, 1990. 
[4]Patrick SAVIDAN, Le multiculturalisme, Coll. Que sais-je ?, Paris, Puf, 2009, p.3.
[5] Ibid., p.17.
[6] Emmanuel KANT,  Projet de paix perpétuelle. Esquisse philosophique 1795,  Traduit par J. Gibelin, 3e Edition, Paris, Vrin, 1975.

Tuesday, November 5, 2013


FEATURES OF PAULINE GOSPEL IN ROMANS 1:16-17
By Mathieu Ndomba Ngoma

In his writings, Paul uses 56 times the Greek word Εύαγγελιον whose counterpart in English is “Gospel” or “Good News”. This abundant use calls for a closer look. In the letter to the Romans 1:16-17, Paul defines the word Εύαγγελιον as “the power of God for salvation to everyone who has faith, to the Jew first and also to the Greek. For in it the righteousness of God is revealed through faith for faith; as it is written, 'He who through faith is righteous shall live”[1].

Three main features flow from this statement: (i) the gospel is dynamic or kerygmatic, (ii) promissory and universal, and (iii) apocalyptic or revelatory.

i. - The gospel (εύαγγελιον) is dynamic and kerygmatic

The gospel (εύαγγελιον) is the power of God (δυναμις θεου) for salvation (σωτηρία) to everyone who has faithίστις) (v.16). The power of God refers to the person of Jesus understood as the salvific force unleashed by God in human history. Thus, the content of the gospel is neither a theory nor a message. It is a person, Jesus, who, through his earthly life and his resurrection, constitutes the power of God leading the believing humanity to salvation. And salvation means deliverance from the wrath of God (Rm. 5:9), or full entrance into the blessing of the final age for those who have faith. Faith as obedience or acceptance of the content of the gospel (Jesus) becomes the condition for salvation. People come to faith through the kerygma, the proclamation of Jesus’ ministry, passion death and resurrection. Therefore, by the fact of being dynamic, the gospel is also kerygmatic. These two features go together in Pauline understanding of the gospel. He asks the question of how “to believe in him of whom they have never heard? And how are they to hear without a preacher?” (Rm. 10:14).  Faith comes after hearing the proclamation of Jesus. All who respond with faith, the gospel is effective to salvation.

ii. - The gospel (εύαγγελιον) is promissory and universal

In his understanding of the gospel, Paul recognizes the priority of the Jews, or Israel’s privilege. The messiah was promised to Israel, and the Jews were first to believe in him. Paul stresses this privilege from the beginning of the Roman correspondence: he is set apart for the gospel of God “which he promised beforehand through his prophets in the holy scriptures…” (Rm. 1:2). He comes back to this privilege in v.16: “to the Jew first”. This promissory characteristic of the gospel establishes the precedence to Judaism for the sake of the continuity of salvation history. There is no gap. It establishes also that the law has never been the means or the force for salvation. Even in Judaism, salvation was supposed to be linked to the messiah promised by God.

However the promissory dimension does not limit salvation to the Jews. The same v.16 adds “also to the Greek”. The expression the Jews and the Greeks indicates the whole humanity, the whole world. Thus, the gospel is universal “for God shows no partiality” (Rm. 2:11). The gospel is preached to all for “there is no distinction between Jew and Greek; the same Lord is Lord of all and bestows his riches upon all who call upon him. For every one who calls upon the name of the Lord will be saved” (Rm. 10:12-13).

iii. - The gospel (εύαγγελιον) is apocalyptic or revelatory

Paul uses the Greek word άποκαλυπτεται which comes from άποκαλυπτειν whose meaning is to reveal or to disclose. The gospel is then the revelation of the righteousness of God (δικαιοσυνη θεου). The Greek word δικαιοσυνη refers to justice. Yet when it is applied to God it goes beyond distributive or retributive justice. It takes the meaning of righteousness as the way God puts human beings in a right relationship with himself. This action of putting in the right relationship is the saving activity of God. So the gospel reveals God’s saving grace and mercy, and salvific activity in Jesus Christ whose death and resurrection has effected salvation of believers. The gospel is “good news” because it makes known or it discloses God’s salvific activity. In the life of Jesus, the saving act of God has been revealed. This righteousness is manifested through Christ to all sinners and apprehended by faith.

The revelation of God’s righteousness, says Paul, is made "through faith for faith" or "from faith to faith” (έκ πίστεως είς πίστιν). Joseph Fitzmyer understands this phrase as a process of intensification of faith. “God’s economy of salvation is shared more and more by a person as faith grows: from a beginning faith to a more perfect or culminating faith”[2]. It is through progressive faith that the content of the gospel is known by believers. The culminating faith allows to share the righteousness of God, and to share also salvation and eternal life.

Let us conclude by saying that the gospel as defined by Rm. 1:16-17 is about salvation made available to whoever accepts to become righteous through faith in Jesus Christ. What Paul is saying here is that salvation does not depend on the law, but rather on faith through which a Christian commits himself to the righteousness of God.

BIBLIOGRAPHY
·        BYRNE, Brendan, Romans (Collegeville: The Liturgical Press, 1996).
·        FITZMYER, Joseph A., To Advance the Gospel, 2nd edition (Grand Rapids: William Eerdmans Publishing Company, 1981).
·        FITZMYER, Joseph A., Romans. A New Translation with Introduction and Commentary (New York: Doubleday, The Anchor Bible, 1993).
·        JOHNSON, Luke T., The Writings of the New Testament. An interpretation (Philadelphia: Fortress Press, 1986).



[1] Ού γαρ έπαισχύνομαι το εύαγγελιον, δυναμις γαρ θεου έστιν είς σωτηρίαν παντι τω˛ πιστεύοντι, Ίουδαιω˛ τε πρωτον και Έλληνι. δικαιοσυνη γαρ θεου έν αύτω˛ άποκαλυπτεται έκ πίστεως είς πίστιν, καθως γέγραπται, Ό δε δικαιος έκ πίστεως είς πίστεως ζησεται.
[2] FITZMYER, Joseph A., Romans. A New Translation with Introduction and Commentary (New York: Doubleday, The Anchor Bible, 1993), p. 263.